. Elle a coordonné le transfert de l’enfant jusqu’au CISAM. Pour elle, ce cas est symbolique et illustre la complexité de l’accès à l’avortement au Brésil :
“Ces groupes font beaucoup de bruit, mais je pense que la voix prépondérante va dans le sens des droits de cette petite fille”
Nous avons pris connaissance du cas de cette fillette quand elle se trouvait encore à Victoria. L’hôpital était en train de faire retarder son avortement en demandant une décision judiciaire, ce qui n’était pas nécessaire. Or, retarder sa prise en charge comportait des risques pour sa santé et pouvait compliquer son avortement. Nous avons donc activé nos réseaux pour proposer à la famille de se déplacer vers un autre État. Le directeur du CISAM a accepté de l’accueillir. Mais son identité et le lieu où elle allait se faire avorter ont été rendus publics sur les réseaux sociaux. J’ai reçu un audio sur WhatsApp d’une personnalité évangélique qui disait qu’ils allaient tuer un enfant et qu’il fallait se rendre devant l’hôpital pour empêcher cela. C’est absurde et c’est cruel.
“L’avortement ne doit plus être considéré comme un crime au Brésil”
Au Brésil, l’avortement est inscrit dans le code pénal où il est considéré comme un crime. Il est toutefois permis de pratiquer un avortement en cas de viol, de risque de mort pour la mère et [depuis une décision de la Cour suprême rendue en 2012, NDLR] en cas de présence d’une anencéphalie fœtale. C’est une des grandes luttes des mouvements féministes au Brésil : que l’avortement ne soit pas considéré comme un crime – du moment où il n’est pas pratiqué contre la volonté de la femme.
Certaines femmes n’ont même pas accès à ces informations concernant l’avortement. Au sein du Grupo Curumim, nous recevons beaucoup de messages de la part de victimes de violences sexuelles qui ne savent pas où aller, ou des victimes de violences sexuelles qui sont tombées enceintes et qui, parfois, ne savent pas qu’elles ont le droit d’interrompre la grossesse. Il y a beaucoup de désinformation sur ces sujets-là.
“En 2018, 21 000 mineurs ont eu des enfants au Brésil. Toute grossesse chez des filles de moins de 14 ans est le résultat d’un viol sur personne vulnérable”. Données relayées par le Grupo Curumim, source DATASUS (plateforme de données sur le système de santé au Brésil).
L’Église a de son côté condamné ceux qui pratiquent les avortements légaux. Le président de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), Walmor Oliveira de Azevedo, a qualifié de “crime odieux” l’avortement réalisé sur la fille de 10 ans et a regretté que les “représentant de la Loi de l’État, dont la mission est de défendre la vie, aient décidé de la mort d’un enfant”.
Pour Paula Viana, cette histoire ne doit pas être perçue comme un cas isolé. “Des milliers de filles et de femmes passent par là”, explique-t-elle. Selon les données du système de santé public brésilien, le SUS, en 2019, il y a eu chaque jour près de six hospitalisations pour avortement concernant des enfants de 10 à 14 ans.
Article écrit par Maëva Poulet.
Source: france24
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